MASIN
UHARUN : le génie amazigh
Mohamed HAROUN dit MASIN est
l’un de ces grands militants amazighs qui ont donné leurs vies pour que
l’identité amazighe ne sombre pas dans l’oubli, sous le joug des gouvernants
des Etats d’Afrique du nord. Il y avait dans la grandeur de cet homme l’esprit de Jugurtha.
Il est resté jusqu’à la fin de sa vie sur terre, un Amazigh sans concession, un
Kabyle révolutionnaire et un génie sans bornes.
Le génie kabyle Masin Uharun est né le 13 avril 1949 à Tifrit près
d’Akbou. Son père le sergent Tahar tombe au champ d’honneur en 1958. Pour
l’anecdote, c’était dans la maison de sa tante qu’il y eut le premier congrès
du Front de Libération Nationale, communément appelé le Congrès de la Soummam,
en plein cœur de la Kabylie historique.
Agé de 11 ans, Masin Uharoun, entame sa première scolarité dans un camp
militaire français avant de rejoindre le centre d’enfants de chouhadas en 1963
à El Oulma (Sétif).
Etant un surdoué, il fera
trois classes en une seule année. Après l’obtention de son bac technique au
lycée de Dellys, réputé comme un établissement d’élites et le meilleur en
Algérie à l’époque, il s’inscrit ensuite à la Faculté centrale d’Alger en
DES Physique (sciences exactes). Preuve de sa grande intelligence et de ses
intérêts multiples pour le savoir, il travaillait et étudiait, en même temps,
l’astronomie à l’observatoire de Bouzaréah, tout en consacrant le reste de son
temps à de la recherche sur la langue et l’identité amazighes. C’était à cette
époque-là qu’il est rentré en contact avec Dda Lmulud (Mouloud Mammeri, le père
de la linguistique kabyle et amazighe), alors directeur du Musée le Bardot à
Alger.
Ce fut en étudiant à Dellys qu’il rencontra Mas Mohamed
Made de Sidi-Aich. Ce dernier le mit en relation avec les deux fondateurs de la
célèbre Académie Berbère- Agraw Imazighen, en l’occurrence Bessaoud Md Arab
(rebaptisé Md Amazigh lors de son enterrement en 2002) et Hanouz Said, originaire
de Sidi-Aich et pharmacien à Paris. Cette institution historique faisait un
travail de fond en vulgarisant l’histoire et l’écriture amazighe. Elle éditait
principalement la fameuse revue IMAZIGHEN, exclusivement en Tifinagh. Par la
suite, épris de volontarisme militant Mas Uharun créa avec d’autres compagnons
de combat, notamment l’immense militant Smail Medjeber, la revue ITIJ
éditée à Alger. Au domicile de Smaïl exactement.
L’homme sincère, l’Amazigh par excellence, Masin ne se contenta pas de mener seulement un combat intellectuel :
avec d’autres militants, il estima qu’il était légitime, dans l’état actuel des
choses, de recourir à la force pour faire entendre la voix du peuple Amazigh et
faire respecter ses droits fondamentaux. Pour ce faire, ils ont créé
l’Organisation des Forces Berbères (OFB), une branche armée qui mettra en œuvre
des actions armées visant les institutions étatiques et symboles d’un Etat
corrompu et raciste. Pour conforter l’organisation dans ses objectifs ils ont
aussi créé une revue ayant pour nom « ATMATEN ».
En joignant l’acte à la
parole, il fut arrêté le 5 janvier 1976, au même moment avec d’autres
membres de l’organisation, citant entre autres Smail Medjber et Hocine Cheradi,
après avoir posé des bombes dans des enceintes de l’Etat algérien (Tribunaux
militaires, Médias à savoir la radio et la télévision de l’Etat algérien
(RTA) et le journal de propagande Le Moudjahid). Suite à quoi il fut Condamné à
perpétuité par la Cour de sûreté de l’Etat (basée à Médéa). Ses camarades et
lui seront ensuite incarcérés dans le sinistre pénitencier de Lambèse. Sa
mère mourra sur la route en lui rendant visite en prison.
Il ne sera libéré que onze ans et demi plus tard, le 5 juillet
1987, avec d’autres membres de l’organisation, grâce à l’action des familles et
des amis auprès des instances internationales qui ont fait pression sur l’Etat
algérien, citant : La Fédération Internationale des droits de l’homme,
Amnesty International, le Comité contre la répression, la Commission des droits
de l’homme des Nations Unies, la Fondation-France-Libertés dirigée par Mme
Danielle Mitterrand et sa Sainteté le Pape Jean-Paul II.
Mais hélas ! L’homme nous
quittera le 22 mai 1996, neuf ans après sa libération, emporté par
une maladie développée en prison suite aux tortures et aux traitements
inhumains et dégradants qu’il avait subi durant les années de sa détention.
Laissant derrière lui une veuve et deux fillettes inconsolées et inconsolables.
Malgré sa disparition brutale, malgré les années passées,
l’image de l’homme est restée intacte dans l’imaginaire collectif
kabyle et, au-delà, amazigh. L’homme aux mille talents : travaux
scientifiques, grammaire amazighe, poésie et roman, et une ébauche de
traduction du Coran en langue amazighe, demeurera sans doute l’un des plus
grands militants auxquels la jeunesse ne cesse de s’identifier.
Bon
orateur, grand visionnaire, idéaliste et pragmatique. Il était et
il restera l’exemple à suivre pour enfin concrétiser ce rêve si cher à nos
mémoires : la libération de notre peuple.
Nassim SAID