Il s'écroule par terre insouciant
Les bras grands ouverts au vent
Agonisant dans un silence violent
Il est mort le beau pin imposant
Jadis si fier face aux tempêtes
Naguère tombé aux oubliettes
Le 25 juin 1998, en milieu de journée, le plus éclairé esprit amazigh tombe sous des balles assassines. Le génie kabyle est mort ; alors le vent du désespoir s’empara de la jeunesse, des aînés, des hommes et des femmes et de tous les « hommes civilisés » de par le monde, pour reprendre ainsi les mots du Président français de l’époque M. Jacques Chirac. Le deuil ne se fera jamais et l’éternelle blessure est toujours là, d’une ampleur semblable uniquement à l’exécution d’un autre génie amazigh : l’éternel YUGURTEN, à Rome.
Ce jour-là fut aussi un
tournant dans la pensée kabyle profonde. Inconsciemment la jeunesse sombra dans
un désespoir fatal, une résignation sans précédent. Paradoxalement il y eut
aussi une prise de conscience inédite mais terriblement intériorisée !
Ce repli sur
soi-même, surtout de la part de la jeunesse, est dû en toute simplicité à un
sentiment d’abandon par le Grand frère. Car l’homme des montagnes a l’esprit de
Jugurtha en lui, il était et il est toujours celui qui représente le passé, le
présent et l’avenir.
Des années après,
malgré la tentative de révolte de 2001, la jeunesse kabyle ne s’est pas
résignée à faire son deuil. Un deuil qui devrait, nécessairement, passer
par une refonte de l’esprit et de la condition kabyles. Une révolution
qui se produira par une rupture avec un passé récent confisqué, défiguré et
banalisé, des fois par ses propres artisans ! Ce refus de la dure
réalité produira, par ailleurs, un gèle de la revendication amazighe et bien
sûr kabyle en premier lieu.
Lounès Matoub, l’éternel
jeune rebelle de la montagne, a cette particularité d’être
intemporel ! Le mythe se confond avec l’homme et l’homme s’est avéré
encore plus grand que son mythe ! Le deuil ne peut se faire que par
une prise de position radicale et entièrement nouvelle, car son initiateur, son
inventeur est un homme nouveau. Cet homme, souvent seul et solitaire, à la
recherche d’un monde nouveau ; celui d’un futur Kabyle-Amazigh.
Le repli sur soi,
par vengeance et désespoir, ce n’est qu’un aveu de désarroi et d’impuissance à
assumer un héritage de sang, celui du Grand frère. Et à défaut d’affronter, de
combattre et surtout d’assumer notre rôle de continuateurs, nous la jeunesse
kabyle, nous cherchons en nous des réponses qui se trouvent sur les bouts des
lèvres ! Le défi est énorme et la tâche est à la hauteur de l’aura
internationale de l’homme voyageur. Partout il le dira : Kabyle de
partout, kabyle de toujours. La revalorisation de soi passera
obligatoirement par la naissance d’une entité kabyle et au-delà amazighe. En
clair se battre pour le premier Etat moderne amazigh, c’est-à-dire un Etat
kabyle.
Sans assumer
cette tâche légitimement héritée par le peuple kabyle (déjà en
1998 Lounès Matoub était l’un des premiers à utiliser cette notion, voir la
dédicace sur la jaquette de son ultime album « Lettre ouverte
aux … »). La frustration demeurera, et par la même occasion
l’inaction et la passivité caractériseront la revendication amazighe et kabyle
spécialement.
Donc, cette révolution,
« impatiemment attendue », elle est là dans chaque Kabyle. Et c’est
là qu’il faudrait le dire clairement, c’est à l’élite kabyle et amazighe en
général qu’incombe la responsabilité de faire sauter les verrous de la
réticence et provoquer le vent libérateur.
Il faudrait
faire preuve d’audace et de loyauté envers les idéaux de liberté et de justice
en retrouvant les qualités propres aux Amazighs, encrées dans la société
kabyle, loin des dérives de l’exclusion et de la diversion. Il faudrait
invoquer le retour des valeurs ancestrales avec une clairvoyance sans
vices ni lâcheté.
On devrait d’un
coup se mettre au travail afin de procéder au nettoyage de la société kabyle
qui souffre de débauche et de fléaux sociaux de tous bords. Lesquels que le
Visionnaire n’a cessé de dénoncer dans l’ensemble de son œuvre-testament. Le
vrai défi est de faire de la Kabylie une terre de liberté et de
probité: une Kabylie
propre au sens propre et au figuré.
C’est pour toutes
ces raisons que la jeunesse kabyle est interpellée avec insistance dans ce
combat contre soi, afin de se débarrasser de tout ce qui est sale et vilain. C’est pour cela aussi que le
poète fait encore écho à la grandeur de la patrie de l’immense Massinissa, de
l’innocente et belle kahina, et de ce brave prince nommé affectueusement
Aksil.
La mise en garde
a été lancée par le Vigile du sol et du sang, avec l’aide de Dieu, il nous guidera dans les
sentiers perdus vers des chemins libérés. L’homme au grand cœur a semé l’espoir
dans tous les coins et recoins de Tamazgha, et l’Ange aura raison des
ténèbres.
Finalement le
Grand frère est partout, dans chacun de nous, et nous guidera vers la victoire
finale. Il est là comme porte-étendard, le premier à monter au front, le
premier à reparaître lorsqu’il le faut ! Le peuple est là, l’élite est là
et l’heure de la délivrance ne tardera pas.
Aujourd’hui encore on
compte sur l’homme-providence, intemporel et éternel pour nous guider dans la
pénombre de la Liberté.
Moi face à un policier, en première page du journal Liberté, lors d'une manifestation, le 25 juin 2000 à Alger, pour la défendre la mémoire du Grand frère assassiné, et crier notre refus de plier devant l'oppression, et jurer face au monde qu'un jour le Rebelle sera célébré en terre libre de Kabylie